Une Évolution en Cours
La représentation des lesbiennes dans les films et séries a longtemps été limitée, stéréotypée ou inexistante. Si ces dernières décennies ont vu des progrès significatifs en matière de visibilité LGBTQIA+, les lesbiennes continuent de faire face à des défis spécifiques dans leur représentation à l’écran. Dans cet article, nous explorons l’évolution de la visibilité des lesbiennes dans les productions cinématographiques et télévisées, les progrès accomplis, les écueils persistants, et l’importance d’une représentation authentique.
Une Histoire de Silence et de Stéréotypes
Historiquement, la représentation des lesbiennes à l’écran a été marquée par une invisibilité quasi totale ou par des représentations négatives.
Les débuts : sous-entendus et censure
- Dans les premières décennies du cinéma, les personnages lesbiens étaient rarement explicitement identifiés. Les relations lesbiennes étaient souvent suggérées de manière subtile pour contourner la censure.
- L’exemple le plus célèbre est sans doute Rebecca (1940) d’Alfred Hitchcock, où la relation entre Mrs. Danvers et Rebecca est fortement implicite mais jamais affirmée.
Les stéréotypes destructeurs
- Lorsqu’elles apparaissaient, les lesbiennes étaient souvent dépeintes comme des figures dangereuses, pathologiques ou hypersexualisées.
- Les années 1960 et 1970 ont vu émerger l’image de la « prédatrice lesbienne », notamment dans des thrillers ou des films à connotation érotique, comme The Killing of Sister George (1968).
Le trope du malheur lesbien
- Pendant des décennies, les récits lesbiens à l’écran se terminaient presque systématiquement par la mort, le suicide ou le retour à une relation hétérosexuelle. Ce trope, connu sous le nom de « Bury Your Gays » (Enterrez vos gays), a été omniprésent dans le cinéma et la télévision, renforçant l’idée que les lesbiennes ne pouvaient pas avoir de fins heureuses.
Les Années 1990-2000 : Une Lente Émergence
Les années 1990 ont marqué un tournant avec l’apparition de récits plus explicites et nuancés autour des lesbiennes, à la fois au cinéma et à la télévision.
Le cinéma indépendant comme moteur de changement
- Des films indépendants comme Go Fish (1994) et But I’m a Cheerleader (1999) ont commencé à explorer la vie des lesbiennes avec humour et légèreté, loin des clichés tragiques.
- Bound (1996), est un thriller érotique réalisé par les sœurs Wachowski, a également été salué pour sa représentation affirmée d’un couple lesbien.
La télévision brise doucement le silence
- Ellen (1997), avec Ellen DeGeneres, a marqué une étape historique lorsque son personnage principal a fait son coming-out. C’était la première fois qu’un personnage lesbien assumé était au centre d’une série grand public.
- Au début des années 2000, The L Word (2004-2009) a révolutionné la représentation des lesbiennes à la télévision, en mettant en scène un large éventail de personnages queer vivant à Los Angeles. La série a été saluée pour sa diversité de personnages et pour sa mise en avant des relations lesbiennes, bien qu’elle ait également été critiquée pour son manque d’inclusivité envers les femmes trans et les lesbiennes racisées.
Les Progrès Récents : Une Plus Grande Diversité
Les années 2010 ont vu une augmentation significative des récits lesbiens dans les films et séries, notamment grâce à la pression des mouvements LGBTQIA+ pour une meilleure représentation. Cependant, des défis subsistent.
Films récents et succès critiques
- Des films comme Portrait de la jeune fille en feu (2019) de Céline Sciamma ont été acclamés pour leur profondeur et leur sensibilité. Ce film raconte une histoire d’amour lesbien au XVIIIe siècle, en évitant les clichés tragiques ou hypersexualisés.
- Ammonite (2020), mettant en vedette Kate Winslet et Saoirse Ronan, explore également une romance lesbienne dans un contexte historique, bien que certains critiques aient noté une tendance répétitive à situer ces récits dans le passé.
- Le cinéma grand public commence également à inclure des personnages lesbiens, comme dans Happiest Season (2020), une comédie romantique de Noël centrée sur un couple lesbien, bien que le film ait été critiqué pour son traitement axé sur le coming-out.
La télévision : des récits plus variés
- Des séries comme Orange Is the New Black (2013-2019) ont offert une diversité sans précédent de personnages queer féminins, avec des histoires complexes et nuancées.
- Gentleman Jack (2019), basée sur les journaux intimes de la vraie Anne Lister, une femme du XIXe siècle souvent qualifiée de « première lesbienne moderne », a été saluée pour sa représentation historique authentique.
- Killing Eve (2018-2022) a exploré une dynamique queer fascinante entre Eve et Villanelle, bien que certaines critiques aient reproché le traitement final de leur relation.
Les Défis Persistants
Malgré les progrès réalisés, la représentation des lesbiennes dans les films et séries reste confrontée à plusieurs problèmes :
Le manque de diversité intersectionnelle
- Les récits lesbiens à l’écran concernent encore majoritairement des femmes blanches, cisgenres et de classe moyenne ou supérieure. Les lesbiennes racisées, transgenres ou issues de milieux précaires restent sous-représentées.
- Les séries comme Pose (2018-2021) ont commencé à combler cette lacune en mettant en avant des femmes queer racisées, mais ces exemples restent rares.
La persistance des tropes négatifs
- Bien que le trope « Bury Your Gays » ait été dénoncé, il reste encore présent dans certaines productions. Par exemple, des séries comme The 100 ont été critiquées pour avoir tué des personnages lesbiens sans réelle justification narrative.
- Les récits centrés sur le coming-out, bien qu’importants, dominent encore souvent les intrigues, au détriment de récits explorant d’autres aspects de la vie lesbienne.
Le manque de production par des femmes lesbiennes ou queer
- Beaucoup de récits lesbiens sont encore écrits et réalisés par des hommes, ce qui peut conduire à des représentations stéréotypées ou peu authentiques.
L’Importance d’une Représentation Authentique
La visibilité des lesbiennes dans les films et séries est cruciale pour plusieurs raisons :
- Normaliser les identités queer : Voir des personnages lesbiens à l’écran aide à briser les stéréotypes et à montrer que les relations lesbiennes sont tout aussi normales et valides que les relations hétérosexuelles.
- Offrir des modèles : Pour les jeunes lesbiennes et queer, la représentation à l’écran peut être une source d’inspiration et de validation.
- Stimuler le changement social : Une représentation positive et diversifiée contribue à sensibiliser le public et à promouvoir l’acceptation.
Vers un Avenir Plus Inclusif
Alors que la visibilité des lesbiennes dans les films et séries s’améliore, il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre une représentation juste et inclusive. Cela passe par :
- Donner la parole aux créatrices lesbiennes et queer : Les récits authentiques commencent par inclure les voix de celles qui les vivent.
- Explorer une diversité d’histoires : Les récits sur les lesbiennes doivent aller au-delà des histoires de coming-out ou des drames tragiques, pour inclure des comédies, des films d’action, des récits de science-fiction, et bien plus encore.
- Inclure des lesbiennes racisées et transgenres : Une véritable inclusion nécessite de refléter la diversité au sein de la communauté lesbienne elle-même.
Conclusion
La visibilité des lesbiennes dans les films et séries a parcouru un long chemin. Passant de l’invisibilité et des stéréotypes négatifs à des récits plus variés et nuancés. Cependant, les défis liés au manque de diversité, aux tropes persistants et au manque de voix queer dans la production montrent qu’il reste encore des progrès à faire.
En continuant à encourager des récits authentiques et diversifiés, et en soutenant les créatrices lesbiennes et queer, le cinéma et la télévision peuvent jouer un rôle clé dans la normalisation et la célébration des identités lesbiennes.
Quels sont vos films ou séries préférés mettant en avant des personnages lesbiens ? Partagez vos recommandations en commentaires !
Retrouver une femme de son temps, forte et ouverte sur le monde dans Les cris et le Silence des murs, mon premier roman.